Akhenaton, le pharaon hérétique

 

Buste d'Akhenaton (musée du Caire).

Un jeune prince intelligent

C'est aux environs de 1364 avant J.C. que naquit Aménophis IV, futur roi Akhenaton. Il passa une enfance heureuse dans les palais de son père, le pharaon Aménophis III, et reçut une éducation complète. On sait qu'il eut très jeune des contacts avec des personnages importants qui l'influencèrent dans sa formation. Son père était un souverain ouvert, et attaché aux idées nouvelles. Si Aménophis IV fut initié à l’art de la guerre et à la chasse, il n’apprécia guère ces pratiques cruelles. Il reçut des prêtres les enseignements nécessaires à la compréhension des sciences mathématiques et astronomiques. Il s’intéressa aux écritures sacrées et appréciait la lecture. Ses connaissances dans de multiples matières démontrent la précocité de son intelligence que ce soit pour la religion, les sciences et l’art. Aménophis IV semblait exceller dans tous les domaines. Dans son environnement immédiat, des serviteurs de l’État durent certainement jouer un rôle considérable sur le futur monarque.

Parmi ceux-ci, des prêtres et des conseillés de son père. Leurs pouvoirs étaient vastes et ils suivaient de près les grands projets et les décisions stratégiques de l'empire. Fort attachés aux valeurs du passé, les prêtres se présentaient comme les gardiens des Hautes Traditions de l'Égypte ancienne. Plusieurs scribes aux talents multiples faisaient aussi office de conseillers de l'ombre.

De nombreux historiens pensent que ces conseillers ont orienté l'éducation du jeune prince et qu'ils lui ont transmis certains enseignements perdus, tout en lui suggérant des idées novatrices destinées à améliorer les rouages du pouvoir et à renforcer les liens avec le passé. Parmi eux, citons le divin Prêtre Aÿ du temple d'Héliopolis qui favorisa les recherches en vue de rétablir les anciens rites dans leurs formes primitives. Sur ses conseils, le prince suivit un enseignement ésotérique solide qui le poussa très tôt à entreprendre des recherches en vue de mieux comprendre les anciennes coutumes religieuses.

Son mariage avec Néfertiti

Quand Aménophis IV atteignit l'âge de vingt-et-un ans, il épousa la ravissante Néfertiti, dont le nom signifie «la belle est venue». Mais il ne s'agit que d'une approximation puisque certains auteurs situent la date de son mariage dès l'âge de 12 voire 16 ans. Néfertiti est la reine dont les traits sont devenus célèbres grâce à la tête sculptée trouvée par l'expédition allemande à Amarna et se trouve aujourd'hui exposée au Musée de Berlin en Allemagne. Elle était la fille du vizir Aÿ, lui-même frère de la reine Tiyi, et fils de Youya et Thouya. Nous ne savons pas qui était sa mère. Néfertiti fut élevée par une autre épouse d'Aÿ du nom de Ti. En épousant Néfertiti, le futur Akhenaton ne suivait pas la vieille coutume qui voulait que le pharaon épouse sa sœur aînée, héritière légale de l'empire selon le système matriarcal égyptien. Le jeune pharaon reçut aussi d'autres épouses dont une princesse syrienne.

Aménophis IV et Néfertiti.

Musée du Caire.

Son accession au pouvoir

C'est en 1350 avant Jésus-Christ, que le jeune pharaon monta sur le trône de ses ancêtres, à la suite de son père Aménophis III. Il ignorait qu'il deviendrait, plus tard, l'un des pères fondateurs du monothéisme. Ses successeurs mirent tout en œuvre pour effacer la trace de son passage, détruisant l'entreprise d'une vie consacrée à la dévotion spirituelle. Les empreintes de son règne furent supprimées, ses cartouches martelés, ses statues brisées. Sa momie ne fut jamais retrouvée. Il ne nous est parvenu de sa vie que de rares indices et des textes fragmentaires. Il est pratiquement impossible d'en retracer les détails. Le peu que nous en savons laisse présumer que ce fut un homme quasi « illuminé » par un rêve divin. Lequel ?

A cette époque, la religion égyptienne était caractérisée par l'aspect zoomorphe d'une multitude de divinités mi-humaines, mi-anirnales traduisant les principes naturels que les théologiens attribuent à une source divine unique. Les divinités étaient issues d'un dieu unique polymorphe. Parallèlement à ces croyances, une série de cultes étaient rendus à des animaux vivants sacralisés : crocodiles sensés être l'incarnation du Dieu Sobek, chats représentant la déesse Bastet, taureaux symboles du Dieu Apis. Ces animaux faisaient l'objet d'une vénération particulière et étaient choisis selon des critères physiques très stricts. Le Nouvel Empire marqua la suprématie d'Amon-Ré sur toutes les autres divinités. Jusqu'à la réforme d'Akhenaton, il régna en maître absolu, derrière un apparent polythéisme. Le peuple égyptien se trouvait sous l'emprise d'une soumission subtilement orchestrée par les prêtres qui organisaient et coordonnaient l'ensemble des cérémonies et des actes de la vie quotidienne

Le culte unique du dieu Aton

Alors qu'à l'extérieur des sanctuaires sacrés, le peuple depuis des générations vénérait fidèlement un dieu majeur et une foule de divinités annexes, les prêtres initiés célébraient dans le secret, le culte exclusif d'un seul Dieu, Amon-Ré, Dieu solaire créateur. Un seul pharaon osa braver la puissance de ces prêtres soumis, il s'agit d'Akhenaton. Ce souverain idéaliste animé d'une grande ferveur voulut accomplir pour le bien et l'avenir de sa nation, l'unité de tous les cultes et des principes de la Haute Science religieuse réservée jusque là à une petite élite d'initiés et de prêtres, gardiens d'un enseignement millénaire conservé dans les archives des temples de la vallée du Nil. Akhenaton tenta de fusionner les cultes qui rendaient hommage aux lois et aux principes régissant la Nature et l'Univers. Il voulut supprimer les traces des croyances les plus anciennes.

Le nouveau pharaon imposa dès la quatrième année de son règne le culte unique du dieu Aton, dieu solaire ou disque solaire, le seul dieu créateur de l'univers à ses yeux. Il modifia sa désignation royale d'Aménophis IV ou Amenhotep IV signifiant « Amon est satisfait », en Akhenaton, signifiant « celui qui est agréable à Aton ». Le culte du soleil n'était pas entièrement nouveau, mais l'acte révolutionnaire de ce roi novateur fut de croire uniquement en Aton et de bannir le culte de toutes les autres déités. Il changea de capitale, délaissa Thèbes pour aller s'installer dans le désert où il fonda une ville entièrement nouvelle, Akhetaton (actuellement Tell el-Amarna). Il lutta farouchement contre le pouvoir des prêtres thébains qui tentaient de maintenir le culte du dieu d'état Amon-Ré. Aton représentait le dieu, la vérité et l'amour absolus. Tout ce qui était bon sur la terre était une démonstration d'Aton: l'amour, la musique, la santé, le bien-être, la beauté...

Pour beaucoup d'historiens, Aménophis IV reste l'élément perturbateur d'un régime alors en pleine stabilité dont l'autorité depuis des siècles semblait à jamais confirmée. Il fut celui qui tenta de réprimer l'autorité abusive de certains prêtres attachés au temple d'Amon. Il musela le clergé omnipotent et fit fermer les temples d'Amon-Ré. En réussissant, par une habile stratégie, à remplacer l'ancien culte et ses divinités subalternes, par le culte unique du Dieu Aton, celui du disque solaire, Akhenaton devint une sorte de démiurge universel, un dieu vivant qui veillait sur son peuple avec bienveillance. Il fut un monarque de paix et de conciliation. Le symbole de la nouvelle foi devint un disque solaire duquel émanait une série de bras bienfaiteurs terminés par des mains humaines.

Akhenaton et Néfertiti rendant hommage au dieu-soleil Aton (musée du Caire).

Akhenaton fut un pontife, qui entouré de sa femme et de ses six filles, glorifiait dans de somptueuses cérémonies, Aton, le disque solaire, pourvoyeur de lumière et de chaleur, source unique des énergies vivifiantes de tous les mystères et de toutes les allégories cosmiques. Durant son règne, on assista à un véritable foisonnement de rites et de concepts religieux nouveaux.

Auparavant, au milieu d'un polythéisme apparent, on avait caché au peuple la force suprême qui dirigeait l'Univers. Le soleil avait toujours été dans les civilisations anciennes le monarque de la nature, entouré par des dieux subalternes représentant les autres forces de cette nature. Chaque divinité du panthéon égyptien avait son département particulier, sous l'égide de la puissance solaire qui planifiait l'ensemble. Ce qui prévalut dans la pensée d'Akhenaton fut sa volonté de créer autour d'une religion rénovée, l'unité d'action indispensable et la correspondance de tous les principes régissant les lois de la Nature et de l'Univers vers un centre commun. Le cercle solaire fut appréhendé comme un cycle perpétuel, rythmant les saisons, les jours et les nuits, comme un mouvement harmonieux, en accord avec l'ensemble des cadences universelles, comme le disque bienfaiteur et régénérateur, le grand tout, la cause unique, le maître d'œuvre d'un ouvrage gigantesque.

La genèse de ce culte

Les historiens se questionnent encore sur ce personnage hors normes que les chroniques anciennes et les scribes de l'Égypte voulurent à tout prix effacer de leurs tablettes. Les interprétations sur son règne court sont contradictoires. De nombreuses interrogations demeurent. Aménophis IV fut le dixième (ou le neuvième selon certains auteurs) roi de la glorieuse lignée de la XVIIIème dynastie égyptienne.

Lorsque Aménophis IV accéda au trône, les territoires de l'Égypte s'étendaient jusqu'aux confins des frontières de la Syrie. L'armée était forte et puissante. L'équilibre de la nation passait par un peuple soumis à un bon nombre d'obligations et de participations au trésor royal. Le tribut de chacun contribuait à l'enrichissement et à l'épanouissement général. Nous nous trouvions à une époque où les grandes pyramides de Gizeh n'avaient déjà plus leur aspect initial. Seul le sphinx demeurait le gardien éternel de cette nécropole sauvée du sable par le grand-père d'Aménophis IV, accomplissant en cela un vœu personnel lié à un songe étrange. Le gouvernement des affaires et le régime politique semblaient en apparence très stables. L'Ancien et le Moyen Empire avaient connu leur croissance et leur déclin. Plusieurs mutations dans la société égyptienne avaient vu se succéder des périodes sombres, anarchiques et des ères de lumière.

Déjà Ahmôsis, ce souverain au pouvoir absolu prêtait une oreille attentive à ses conseillers aux niveaux religieux, politique et économique. Aucune opposition ni aucune puissance ne semblait braver son autorité. Les scribes n'écrivirent-ils pas que « Le roi d'Égypte est un Dieu qui est né pour guider les hommes et qu'il est à la fois le père et la mère de l'Humanité. Il est unique et sans égal sur terre » ? Sous ce pharaon, un nouveau concept vit le jour, le présentant comme une sorte de héros de légende. On mit en exergue ses victoires et ses succès. On le représenta sur les nombreux reliefs des temples comme un mythe vivant et on le fit figurer sur son char de manière à en faire le vainqueur d'une nation prestigieuse. Il s'agissait d'une forme de propagande mûrement orchestrée qui avait pour but de véhiculer l'image d'un souverain omniprésent, digne représentant des dieux sur la terre.

Parmi les dieux protecteurs des Égyptiens, une place d'honneur était réservée à Amon-Ré, le dieu tout puissant (à la fois unique et multiple) de la ville de Thèbes, intimement associé au dieu solaire d'Héliopolis, une divinité sensée confier au pharaon la lourde tâche de conquérir le monde et de le mettre sous sa propre dépendance. Les textes le qualifient de « roi des dieux ». Pratiquement inconnu durant l'Ancien empire, il n'apparaît réellement que durant le Moyen Empire, à Thèbes. Toutefois, son origine reste méconnue. Certains disent qu'il aurait été l'un des huit dieux primordiaux de la cosmogonie d'Hermopolis. Selon d'autres, il aurait été une divinité de l'air et du vent originaire de Moyenne Égypte. C'est à Thèbes que son culte aurait vu le jour et c'est dans cette cité que sa renommée gagna progressivement en puissance. Il assimila alors les personnalités d'autres divinités jusqu'à devenir, dès le début de la XVIIIème dynastie, un dieu national universel et créateur. Ce dieu dit « le caché » est une divinité inaccessible dont la nature échappe aux mortels. Progressivement, Amon acquit une personnalité en étroite relation avec le soleil (Ré) et la fertilité et devint « Amon-Ré ». Son rôle devint déterminant au sein de la royauté. A partir du Nouvel Empire, tout pharaon était sensé être le fils charnel d'Amon, fruit d'une union entre dieu et une épouse royale. Le pharaon devint par filiation le fils du dieu suprême et le représentant des dieux sur la terre.

Mais sa réforme n'aurait sans doute pas pu voir le jour si elle n'avait pas été préparée dans l'ombre par son père Aménophis III et sa mère Tiyi. En 1989, des archéologues trouvèrent une statue d'Aménophis III avec une mention qui le prouve : « Disque-Aton qui resplendit sur toutes les terres ». En se faisant construire un palais et un temple sur la rive Ouest de Thèbes, il marqua une distanciation sensible vis-à-vis du pouvoir sacerdotal de l'époque constituant un véritable état dans l'état. En accédant au trône, Aménophis IV ne fit qu'amplifier les idées de son père.

Si avant son règne, le prince Aménophis IV avait adopté le culte d'Amon-Rê, ce fut sans doute pour comprendre les rouages de sa pensée religieuse. N'oublions pas que les temples dédiés à ce dieu étaient le siège d'une école importante de théologiens qui avait un grand rayonnement au-delà des frontières égyptiennes. Dans ces sanctuaires sacrés étaient préservés des enseignements primordiaux.

L'art amarnien

Cette révolution religieuse sans précédent entraîna des effets inattendus sur l'art égyptien qui subit une complète métamorphose, devenant beaucoup plus naturaliste, réaliste voir même hyperréaliste. Sous l'impulsion du nouveau souverain, l'art connut une forme d'apogée caractérisée par un extrême raffinement, voire un certain maniérisme. Contrastant avec les statues de ses prédécesseurs, Akhenaton fit de son corps entier un réceptacle divin, devenant un être à part, presque féminin. Il s'identifia corps et âme à son nouveau dieu jusqu'à se faire représenter comme un être complètement androgyne, en tant que mère et père du monde.

Akhenaton représenté en androgyne,
père et mère du monde.

Musée su Caire.

Une scène d'intimité familiale réaliste tout à fait  nouvelle.

Musée de Berlin
 

 

Et comme les hommes ne pouvaient rien concevoir de plus beau, de plus pur, ni de plus incorruptible que la lumière, il fut facile pour Akhenaton de rallier le peuple et une partie des prêtres à sa cause. Ce soleil, il entreprit de le représenter dans ses arts de manière nouvelle. Les reliefs et fresques témoignent du souci des artistes de l'époque de respecter au mieux le message de la Lumière, pas seulement celui de la lumière véritable contemplée dans le ciel et déversée sur la terre par Aton, mais aussi une lumière intérieure, immortelle, une lumière faisant corps avec l'esprit de celui qui la contemplait.

De nombreuses légendes circulent à propos du physique d'Akhenaton, qui se fit représenter comme un être asexué, au ventre rond, aux larges hanches de femme. On a évoqué un possible problème endocrinien, une castration, une impuissance et même de la transsexualité ! On sait que sous son impulsion, l'art exulta certains traits, les déforma, les porta à son paroxysme, pour faire du pharaon le reflet parfait d'Aton, une divinité bisexuelle. Son corps fut féminisé à l'extrême et en devint parfois grotesque. Toutefois, on peut supposer que le pharaon possédait au départ un physique particulier car Néfertiti ne fut jamais l'objet d'aucune déformation physique de ce type.

Un monarque de paix et de conciliation

Une nouvelle littérature mystique se développa, dédiée au culte du nouveau dieu solaire. Akhenaton composa de nombreux poèmes à la gloire d'Aton. Il adressa de nombreuses odes au dieu qu'il vénérait et qui régnait sur toute la création, sans distinction de races ou de croyances. Il le chanta et le célébra dans de nombreux hymnes en ces termes :
« C'est toi qui fais grossir le foetus dans le ventre des femmes et qui crées les fluides vitaux chez l'homme. C'est toi qui donnes la vie à l'enfant dans le sein de sa mère, qui le consoles pour qu'il n'y pleure pas... Qui donne le souffle pour animer tout ce qu'il a créé ? Quand le poussin dans l'oeuf gazouille en sa coquille, tu lui donnes le souffle qui lui maintient la vie ; et tu lui crées sa propre fin, de dedans l'œuf».


« Comme tes oeuvres sont multiples ! Elles sont mystérieuses aux yeux des hommes, 0 Dieu Unique, comme celui qui n'a pas son pareil. Tu as façonné la terre selon tes désirs quand tu n'étais pas .seul... les terres de Syrie, de Nubie et d'Égypte. A chaque homme tu fixes sa place et tu satisfais ses besoins. Chacun reçoit sa subsistance et ses jours sont comptés. Leurs langues sont diverses dans la parole et semblables dans leurs inclinations ; et leurs couleurs sont différentes car tu as distingué les nations ».

Extraits du Grand Hymne à Aton.

En parcourant ces lignes, on observe son souhait d'entraîner son peuple dans l'amour de l'humanité entière, loin du racisme et de la xénophobie. A l'évidence, Akhenaton fut un grand humaniste au sens moderne du terme. Il fut un roi pacifique et dévot, un modèle peu conforme aux clichés traditionnels que laissèrent ses prédécesseurs comme ses successeurs.

On ne peut qu'être intrigué devant la force tranquille, la sérénité et la beauté qui se dégagent des quelques rares sculptures de ce roi profondément mystique. Ses traits ambigus troublent tant la vue que l'esprit. Sa constitution physique pour le moins étrange (lèvres épaisses, longues oreilles, yeux et menton proéminents), l'aspect androgyne de ses représentations ont donné lieu à de multiples spéculations sur sa personne, sur la maladie dont il pouvait souffrir (troubles hormonaux), allant de la volonté du monarque de faire de sa personne l'image du dieu androgyne qu'il vénérait, jusqu'à l'évocation d'une filiation extraterrestre... Néfertiti, sa célèbre épouse et partenaire dans son combat mené contre les prêtres d'Amon, laissa planer derrière elle le mystère de sa troublante beauté. Elle fut sans conteste l'une des plus belles femmes de l'Antiquité.

Un souverain mal compris et mal aimé

Les égyptologues restent réticents à intégrer dans leurs études les dimensions spirituelle et ésotérique évidentes qui animaient le peuple d'Égypte, véritable berceau (avec l'Irak) de notre civilisation. Pour comprendre et interpréter l'Égypte antique, il faut, comme l'ont si bien exprimé des savants tels que Schwaller de Lubicz, Enel ou encore Alexandre Varille, s'élever jusqu'aux sphères de la métaphysique afin de découvrir le contexte caché des messages isolés et pourtant bien présents dans l'écriture symbolique des hiéroglyphes. C'est le cas à propos du règne d'Akhenaton pour lequel il reste encore un grand nombre d'informations à exploiter et à découvrir. On sait très peu de choses sur la fin de son règne et sur la ville idéale qu'il bâtit et à laquelle il donna le nom d'Akhetaton signifiant « l'Horizon d'Aton ». En établissant sa nouvelle capitale loin de Thèbes et en s'éloignant d'un sol considéré comme sacré, le pharaon démontra sa volonté délibérée de se démarquer totalement des autorités cléricales de Thèbes. Il régna dans sa ville en monarque absolu, seul médiateur possible (mis à part son épouse) entre son peuple et Aton. A la différence des pharaons qui rejoignaient la lumière divine à leur mort, Akhenaton, fusionna avec elle de son vivant. De sa cité lumière, il ne reste aujourd'hui que de pauvres ruines. Si à première vue, Akhenaton semble avoir été une sorte de despote, centralisant les pouvoirs temporels et spirituels, fermant tous les temples révérant Amon, il fut pourtant tout le contraire d'un dictateur. Il se voulait un pasteur pour son peuple, un guide éclairé, un médiateur divin. Le Qualificatif de « Maître spirituel » lui conviendrait davantage. Peu lui importait le rang social, il initia l'individu le plus humble, du moment qu'il émettait le désir profond de communier avec la source de vie universelle.

Akhenaton reste un souverain mal compris et mal aimé parce que son sens du mystique nous dépasse et parce qu'il voulut imposer trop rapidement un idéal que son peuple n'était pas prêt à adopter. Sa conception universaliste de dieu était trop abstraite. Le roi fut le seul avec son épouse à comprendre parfaitement tous les rouages de sa nouvelle religion. Si le couple communiait quotidiennement avec son dieu et semblait même entretenir avec lui certains dialogues privilégiés, le peuple ne comprit pas réellement toute la beauté de ce culte. Durant leur règne, le couple Akhenaton-Néfertiti semble avoir connu une complicité amoureuse, familiale, politique et religieuse de chaque instant. Néfertiti partagea une partie des tâches sacerdotales de son époux qui jusque là n'avaient été réservées qu'aux seuls monarques. On sait que la mère d'Aménophis IV, Tiyi eut une influence considérable sur la politique de son mari et aussi sur celle de son fils. De la même manière, Néfertiti se trouvait à un poste clé de l'autorité. Elle était omniprésente aux côtés de son époux. Avec ses filles, elle assistait à tous les rites.

Akhenaton et Néfertiti officiant ensemble.

Musée du Caire

On ne connaît rien des circonstances de son décès mais il est probable qu'il fut tué (peut être empoisonné) par les autorités religieuses désireuses de rétablir le pouvoir d’Amon-Rê.

Le visage du couvercle du sarcophage d'Akhenaton.

Musée du Caire

Texte de H. Kapf - Magazine "L'Égypte" N° 2 - Mars 2006

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